Un mois.
Cela fait déjà plus d’un mois que je suis marathonienne.
Je pensais qu’en laissant les semaines passer, j’allais réaliser. Que quelque chose allait changer. Que j’allais me métamorphoser. Que j’arriverais à poser les mots pour vous écrire (enfin) un compte-rendu à la hauteur de ce que j’ai vécu. Mais je crois que ce n’est qu’en écrivant ces lignes que j’y arriverai.
Il y a un an, je soutenais mon amie Morgane dans cette belle aventure du marathon. Son premier. C’est là que tout a commencé. (lire ou relire mon compte rendu sur mon expérience de supportrice au Marathon de paris, ici). La voyant tellement motivée, avec Justine, on s’est lancées et on a acheté nos dossards. Je signais pour la plus belle aventure de ma vie. La plus belle épreuve aussi. Celle qui allait me rendre si forte. Si courageuse. Si fière.
J’étais tellement loin de m’imaginer tout cela. Moi la baby runneuse, pas vraiment forte, pas très rigoureuse, un peu flemmarde, un peu fragile aussi. Moi qui avait si peu confiance. Je me suis inscrite en étant un peu persuadée, au fond, que je n’irai pas. Que je ne franchirais jamais la ligne d’arrivée.
Je n’y croyais tellement pas, que j’ai sans doute, inconsciemment attiré à moi tout un tas d’obstacles, d’épreuves… Vous savez, ces fameuses énergies ? Soyez positif, croyez en vous et vous attirerez du positif. J’y crois dur comme fer. Je suis comme ça. Positive, le plus souvent possible. Mais avec le recul, je me rends compte à quel point le manque de confiance m’a emmenée dans un cercle vicieux, une boucle négative, ces derniers mois.
D’abord, je me suis blessée au tout début de la prépa. J’ai eu mal à ne plus pouvoir courir plus de 3 ou 4 kilomètres. Ensuite, ce manque de confiance, encore et toujours. Pendant plusieurs semaines, je vois mon amie Justine, qui va courir le marathon avec moi, aligner les kilomètres. Et moi, la flemmarde, j’ai du mal à me motiver. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que je ne suis pas à la hauteur. Pas assez rigoureuse. Pas assez forte. Pas assez préparée. Avec le recul, qu’est-ce que j’aurais aimé me dire « Mais putain Gila, tu cours. Tu prépares un marathon. Tu es rigoureuse. Tu es forte » J’aurais pu être tellement fière de moi. J’aurais DU être fière de moi. Mais le négatif attire le négatif. Et prise dans cette spirale, je me fais agressée 5 jours avant le marathon. Un vol de téléphone, à scooter qui me fait tomber violemment sur le bitume. J’ai terriblement mal aux genoux, je suis fatiguée, éprouvée, physiquement mais aussi et surtout moralement. Je suis allée au bout de ma prépa mais je ne sais pas si j’y arriverai. (Lire ou relire mon article à trois jours du marathon).
LE JOUR J
7h30 : « yeux mis clos ».
Tiens, il fait jour dehors. Comment s’est possible ? Je devais réveiller à 5h30.
Oh non, non, NON. Pas aujourd’hui. Pas ça… MERDE !!!!
Mon réveil n’a pas sonné. Foutu nouveau téléphone, j’ai pas mis à jour les réglages du réveil… Ces c**** de voleurs m’auront bien gâché la vie jusqu’au bout.
C’est pas possible, je ne vais pas y arriver, l’univers m’envoie trop de signes pour me dire de ne pas y aller…
7h30-8h00 : « panique »
Petit déjeuner bâclé. Je ne mange qu’un bout de baguette. C’est pas bien, je devais prendre un bon petit déj !
Je ne vais jamais y arriver…
Crème anti-frottements. Brassière. Sous-vêtement. Short. Tee-shirt. Chaussettes. Ah non, merde, j’ai oublié la crème anti-frottements sur les pieds aussi…
Je ne vais jamais y arriver…
Réfléchis pas. Grouille-toi. Justine s’inquiète à cause de toi. C’est SON jour à elle aussi !! Le dossard, je le mettrai dans le métro. Dépêche. Les clés, le sac, j’y vais…
Je ne vais jamais y arriver…
L’arrivée sur place : « Justine, pardon… »
Le monde ! Oh mon dieu, ce monde !
Bon, vite les consignes, le pipi et je rejoins Justine.
La pauvre, elle doit être paniquée. Je devais prendre le départ avec elle. Je veux prendre le départ avec elle…
Bon les consignes c’est où ? C’est quoi tout ce monde. Et voilà, je suis bloquée…
Vite, vite… Avancez, s’il vous plait !!!
Ah ça y est, ça bouge, allez je cours un peu tant pis, pour la fatigue…
Mon dieu, j’ai déjà couru un kilomètre pour rejoindre les consignes. Je ne vais jamais y arriver !! Je suis déjà fatiguée, j’ai déjà chaud.
Bon les consignes, c’est bon.
Maintenant, le pipi avant course.
Oh non mais il y a au moins une heure de queue là !
Tant pis, je retrouve d’abord Justine, on verra après.
Je cours de nouveau…
C’est pas bon Gila, c’est pas bon…
Je la vois !!!
Pardon Justine, pardon…
Je suis désolée.
Câlin rapide mais tellement réconfortant…
J’ai peur.
Peur de ce que l’univers me dit en me mettant tous ces obstacles.
Je vais me blesser.
Mes genoux ne vont pas tenir. C’est sûr.
Et tous ces gens qui savent que je cours, ceux qui me suivent sur l’appli.
Comment je vais annoncer que j’ai échoué ?
« Tu as le mental pour réussir »
« Tu es forte »
« Tu vas être solide »
« Je t’envoie plein de bonnes énergies »
« Gigi, t’es la meilleure »
« Tu vas le cartonner ce marathon »
« Tu seras plus forte que ton genou »
« Allez Gilou »
« Tu es forte, tu es vraiment forte »
« Tu vas le bouffer ce marathon »
« Sois fière de toi »
« Profite de chaque mètre »
J’ai les meilleurs amis du monde. Et vous.
Je suis inondée de messages que je prends le temps de lire juste avant prendre le départ. J’y suis maintenant. Ca y est, je suis là, prête à courir le marathon de Paris.
Profite, Gila. Il n’y a qu’un seul premier marathon dans une vie.
KM 0 : Je descends la plus belle avenue du monde dans un calme et une concentration presque déconcertants… On y est. C’est parti pour 42,195km…
KM 9 : C’est l’heure du coucou des premières amies. Morgane et Aurélie sont là. Elles courent un peu avec nous mais on les retrouvera surtout un peu plus tard.
KM 11 : Une nouvelle amie me rejoint.
Je parle trop.
Gila, tais-toi !
L’euphorie et les endorphines prennent le dessus. Mais je dois économiser mon souffle.
Je suis toujours avec Justine. J’ai tellement envie qu’on finisse ce marathon ensemble. On ne s’est rien promis pour que chacune puisse vivre sa course à fond. Mais j’ai vraiment envie d’être avec elle jusqu’au bout.
KM 20 : Aurélie nous rejoint pour 10km ! Je vais surement commencer à avoir besoin de soutien. Je suis contente qu’elle soit là.
KM21 : Une amie qui n’avait pas prévu de venir est là sur le côté ! Je suis contente de l’apercevoir !! Elle s’élance avec moi.
« Gila, je vais être maman »
Mon dieu ! Je pleure. Tout le monde rigole, applaudi. C’est fou… Elle est enceinte. Je touche son ventre, tellement heureuse pour elle. Je prends une baffe d’ondes positives.
Et lui interdit aussi de courir trop longtemps avec moi…
Je suis tellement heureuse, d’être là, que tous ces amis soient venus pour moi, pour m’encourager.
Et de vivre ça avec Justine, cette si belle amie… Oui, on est toujours ensemble…
KM28/29 : Je suis vraiment bien. Ca commence a piquer mais je suis tellement heureuse. Aurélie a les bons moments aux bons moments. Ses encouragements me portent. L’ambiance aussi. A l’arrivée du 30ème kilomètre, il y a un monde fou. Ce tourbillon d’énergie positive m’écrase le coeur… J’ai les larmes aux yeux. J’ai tellement de chance de vivre ça. Je croise le regard de Justine. On est bien. On est heureuses.
KM30 : Aurélie laisse la place à Morgane mon amie, et Olivier un gros coureur, qui prennent le relais pour la fin. Justine, elle, est entourée d’une armée de coureurs de chez Adidas. On est bien entourés et tant mieux parce que la partie dans le bois de boulogne me semble longue. Il n’y a plus de supporters sur les côtés, les gens sont fatigués, l’ambiance est pesante… J’ai mal partout, les genoux n’en peuvent plus, les cuisses piquent aussi.
KM37-41 : les kilomètres défilent mais je ne les vois pas. Je ne sais pas où j’en suis. J’entends Morgane m’annoncer les kilomètres qui passent mais je n’imprime rien.
On accélère. J’ai envie d’en finir. J’en ai marre. J’ai mal. C’est long. Les encouragements de nos amis n’y font rien, j’ai plus envie. Mais je sais que je n’ai pas le droit de marcher, ni d’abandonner. C’est la fin, je ne peux pas lâcher maintenant. On me demande plusieurs fois si ça va. J’esquisse un sourire (ou une grimace ?), je fais bonne figure… « Oui, oui, ça va… »
Je repense aux raisons qui m’ont poussée à m’inscrire.
Aux moments douloureux de ma vie personnelle.
Les tornades que j’ai du affronter.
Les larmes.
« Ce n’est qu’une douleur physique, tu as vécu bien plus douloureux que ça ».
Je pensais que courir le marathon me prouverait que j’étais forte, courageuse, m’aiderait à traverser les épreuves du quotidien.
Mais, en fait, c’est l’inverse.
Ce marathon, c’était comme revivre chacune des épreuves de ma vie. Chacun des moments douloureux. Me revoir surmonter les obstacles un à un. Me rappeler d’où je viens, qui je suis. Et me faire prendre conscience surtout, que je ne suis pas la petite personne fragile que je m’imagine.
« Tu es bien plus forte que ce que tu crois Gila. Tu es forte. »
Je suis capable de tellement plus qu’un marathon.
Voilà, ce que je me suis prouvée ce jour-là.
Pas en courant le marathon mais en ré-ouvrant le livre de ma petite vie.
J’ai déposé sur ces 42km, tous les poids de mon passé, tous les mauvais moments…
LA FIN : Les amis doivent nous abandonner au KM41. Je quitte ma bulle. Mon introspection. Je me re-connecte à la réalité. On y est presque. On se retrouve seules avec Justine. Je suis tellement heureuse. On va finir ce marathon, ensemble comme je l’espérais. J’ai ressenti tellement de choses sur les derniers 500m. Les larmes d’abord. De gros sanglots, partagés avec Justine, main dans la main. « On l’a fait, on va y arriver ». La joie. La fierté. Tous ces gens qui nous encouragent. Cette arche. Cette ligne d’arrivée. La fin de cette course. Les amis à l’arrivée. La maman de Justine avec une bouteille de champagne. Les bravos. Les messages. L’amour. La gratitude.
Et le début d’un nouveau chapitre. Le premier jour du reste de ma vie. Une vie dans laquelle je suis forte, je suis courageuse, fière de moi, de mon corps, de ma personnalité, de mes défauts, de mes qualités.
J’écris chacune de ces lignes en pleurant. De tristesse, de fierté, de joie, d’accomplissement. Ces larmes tournent une page. L’univers m’a bel et bien envoyé un message ce jour-là. Mais j’ai mis du temps à le comprendre. Il ne m’envoyait pas des signaux pour m’empêcher d’y aller, pour me décourager, pour me faire peur. Au contraire, il me donnait des raisons supplémentaires d’être fière de moi.
Avec ce marathon, je dis au revoir à tellement de choses.
Je ne détesterai plus jamais mon corps, lui qui me permet tant.
Je quitte une période douloureuse de ma vie personnelle qui a duré beaucoup trop longtemps.
Je ferme la porte à la négativité.
Au manque de confiance.
J’ai le droit de courir, un peu, beaucoup, ou pas du tout.
J’ai le droit de manger des frites et puis de la soupe aussi.
J’ai le droit d’être triste, fatiguée.
Et puis heureuse. De rire. D’avoir envie de vivre à 200%.
Je suis une vraie runneuse.
Je suis forte.
Je suis courageuse.
Je suis marathonienne.
Merci Justine.
Merci Morgane. Aurélie. Valentine. Anne-Charlotte. Lucie. Olivier.
Merci les amis.
Merci vous.
Merci à tous ceux qui m’ont envoyé un message ce jour là.
Merci la vie. De m’avoir fait vivre cette si belle expérience.
Belle journée healthy ❤
Félicitation pour ce premier marathon, surtout dans de pareilles conditions ! Tu l’as réussi, et tu ne le dois qu’à toi, à ton mental et à ta force. C’est vraiment inspirant et admirable 🙂
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Bravo 🍾 !!!
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Rien qu’un mot: bravo
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